BODAN LITNIANSKI (2)


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Dans les années quatre vingt dix, a plus de 78 ans, il sillonnait encore les routes à la recherche de ses matériaux de prédilection. Une cinquantaine de colonnes et d’arches peuplent et envahissent l’environnement de la maison jusqu'à la faire disparaître totalement. Sa femme Emilie, surprise au début, avait définitivement accepté cette forêt colorée qui remplissait sa vie et son quotidien. Pour Litnianski, «  l’art est au coin de la rue, il suffit d’avoir des yeux de poètes. Vous pouvez arriver à faire quelque chose avec n’importe quoi ! C’est possible avec de la patience et du courage. »

Extrait de « Art brut, architecture marginales : un art du bricolage » par Marielle Magliozzi



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Parimoine de l’humanité:
Pourquoi faut-il sauvegarder un site de 200m2 à Viry-Noureuil dans l’Aisne?
par Jean Marc Huygen le 18 juillet 2009



Le « jardin des merveilles de Bodan Litnianski » 1 ou sa « maison aux coquillages »
sont beaucoup plus qu’un jardin sec ou une œuvre d’art brut. Il s’agit d’un
ensemble écosystémique démontrant que l’être humain peut vivre avec une
empreinte écologique soutenable pour l’avenir de la planète.
- D’une portion de territoire très réduite – une banale parcelle de terrain –, son
auteur a su faire un lieu de vie où cohabitent de façon compacte les activités
humaines (avec les diverses annexes à la maison de départ), la production
d’alimentation (avec un jardin potager) et l’assouvissement spirituel (le « beau »
ou le supplément de sens).
- De plus, les matériaux utilisés – réemploi 2 des « déchets » de la société – en font
un estomac labyrinthique : à la fois un recycleur de matière et un conservatoire
de mémoire, celle des objets manufacturés dans la seconde moitié du xxe
siècle.
- Enfin, l’assemblage (technique) de ces objets et leur ensemblage (esthétique)
chaotique 3, très étudiés et aboutis, conduisent à une structure tridimensionnelle
telle que notre corps et notre esprit y cheminant sont continuellement titillés.
Ces trois qualités que sont la tendance à l’autosuffisance (ou l’élaboration d’un
monde dans le monde), la capacité de réemployer les objets obsolètes et la
conscience de l’acte gratuit comme moyen d’élévation de l’esprit sont des qualités
fondamentales de l’architecture du xxie siècle. La soutenabilité (le « développement
durable »), paradigme de notre époque, repose en effet sur les trois piliers mis en
évidence par le Rapport Brundtland en 1987 (traitement conjoint des données
environnementales, économiques et sociales) ainsi que sur le quatrième pilier
qu’est la dimension culturelle 4.
S’il est largement admis que la démarche architecturale contemporaine
doit répondre à cette nécessité du vivre-ensemble et du vivre-dans-la-diversité
sur une planète aux ressources limitées, la manière d’y arriver est toujours en
débat : l’objectif est clair mais les moyens de l’atteindre ne le sont pas. La raison
essentielle en est la rareté de cas concrets qui peuvent servir de référence ; or
le lieu élaboré par Bodan Litnianski en est une.
La notion de patrimoine mondial adoptée par l’UNESCO en 1972, qui vise à
sauvegarder certains sites naturels ou culturels comme héritage commun de
l’humanité, établit le profit que nous pouvons tirer de l’héritage du passé pour
le transmettre aux générations à venir. Les dix critères objectifs choisis en 2005
pour définir cette liste du patrimoine mondial reposent, pour ceux qui concernent
les sites culturels (donc réalisés par l’homme), sur la notion de témoignage ou
d’exemple éminent d’établissement humain ayant une signification universelle.
Le site de 200 m2 réalisé par Litnianski peut être rapproché de quelques autres
sites du même type dans le monde : par exemple, le Palais idéal par Ferdinand
Cheval à Hauterives ou les tours de Watts par Simon Rodia à Los Angeles. Dans
tous les cas, il s’agit de réalisations de longue haleine, construites par un seul

homme et de façon autodidacte, à partir de matériaux gratuits et glanés dans
leur voisinage et conduisant à faire du beau dans on ne sait quel objectif, si ce
n’est construire une « cathédrale ». Dans tous les cas, le réalisateur est un exilé,
un individu qui démontre que, même s’il est seul et venant d’ailleurs, il peut faire
ici une grande chose, à partir des déchets de ceux d’ici 5. Dans tous les cas, il
(re-)construit en dur mais en intégrant la nature : les oiseaux et plans d’eau chez
Rodia, le « temple de la Nature » chez Cheval, le potager chez Litnianski. Art naïf,
art brut ou indiscipliné, prescience d’architecture, peu importe : dans tous les
cas, l’œuvre en cours de réalisation inspire méfiance puis, à la mort de l’auteur,
elle est rattachée au patrimoine de la collectivité.
Il est pressant de sauvegarder ce site. La totalité du site, pour faire sens : non
seulement le jardin sec avec ses colonnes et arches, les murs d’enceinte et
revêtements de sol, mais aussi la maison et ses diverses annexes ; et enfin les
traces montrant la manière de vivre (le jardin potager, les aménagements intérieurs,
avec leur mobilier, les réserves de matériaux, les objets fous représentant tantôt
des oiseaux en cage tantôt des avions constituant ou non des girouettes, etc.).
C’est l’ensemble qui peut servir d’exemple ou devenir source d’inspiration pour
une manière de vivre autrement aujourd’hui.
Puisque les petits-enfants sont prêts à vendre, la meilleure solution serait
l’acquisition par l’État, la Région ou le Département. Eux seuls sont en mesure
d’assurer une pérennité : promouvoir des programmes de recherche, sauvegarder
durablement, ouvrir la visite au public. Des options doivent être prises de manière
urgente, tant pour éviter le vandalisme ou la disparition de certaines pièces
que pour assurer la préservation (par exemple, les objets en matière plastique
ont tendance à se dégrader sous l’action des rayons ultraviolets). Et, de cet
investissement public, naîtra un supplément culturel et économique dans la
région essentiellement agricole de Viry-Noureuil.



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