0307


6031 6034

C’est le privilège des artistes de poser un regard singulier sur le monde. Question d’optique. Ils voient autrement ce que l’œil du commun laisse passer sans réagir. Ils captent un mouvement, une forme, une attitude, une couleur et font leur mélange de ces instants fugitifs pour composer une image originale que personne d’autre n’est capable de fabriquer. Michel Gombart a ce don particulier. Je ne sais pas si on naît photographe mais Michel regarde comme ça autour de lui depuis longtemps. C’est une façon d’être. Une manière d’être présent au monde et un peu absent aux autres. Les artistes sont souvent ailleurs. Chez les photographes, cela se traduit parfois par une relative indifférence ou une distraction apparente qui se transforment en grâce quand un instant singulier de la vie est saisi au vol. « Dès que j’ai eu un instamatic, je me suis mis à prendre ma famille en photo » confie Michel. Puis le regard a porté sur d’autres cercles, l’appareil toujours à portée de main. L’homme est discret. Il est en alerte mais guette le moment où le corps se trahit. Ca ne s’explique pas. On le voit à peine armer son Canon pour vous prendre. Il fixe une part inédite de vous même à votre insu. On pourrait en concevoir un peu de rancune. Même pas. On est plutôt sidéré de découvrir la part étrange qu’il révèle des gens et des choses.. Michel colle, bricole, assemble, désorganise les conventions visuelles, cuisine son petit univers et ouvre son livre d’images aux amis ébahis qui ne savent trop quoi dire. Michel est photographe. C’est un auteur de réel. Il crée quelque chose que personne d’autre ne fait. Il s’en excuse presque. Ce n’est pas son métier. Michel Gombart s’efface souvent, économise son verbe, cultive certaines absences, fait parfois le mort, retient son souffle pour mieux saisir la vie frêle et fugace dont la fragilité tremble au bout de son objectif. Il en subtilise des bribes et recompose son monde. Pour la beauté du geste. C’est parfois violent, sombre, ou drôle. Comme les histoires que se racontent les enfants solitaires et que personne ne connaîtra jamais. Thierry Bonté.



0004 0010

0310