1914-1918 : Albert Richard

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Etat de service 1914-1918.

Du 4 Août 1914 au 15 Juillet 1916:
6éme Escadron du train, 6éme compagnie.

Du 15 Juillet1916 au 8 Février 1917:
ambulance divisionnaire 2/67 . Secteur postal 169 et 219.

Du 8 Février 1917 jusqu'au mois de Mars 1919:
106éme Régiment d'artillerie lourde.
11émé groupe . secteur postal 101.


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En redécouvrant une petite boîte en carton ayant appartenu à ma grande tante, j’ai été surpris de trouver un nombre important de photographies ayant pour thème le soldat de la guerre 14-18. Les photos de mon grand oncle sont plutôt rares, il y en a deux, une avec sa femme, Lucienne et l’autre en tenue d’ambulancier. Par contre, les autres photographies se classent en trois catégories, les portraits de famille, le soldat avec sa femme et parfois d’autres personnes, les portraits « officiels » fait chez des photographes professionnels, soit en portrait, soit en pied et troisièmement les photographies sur le terrain, en groupe avec les amis.
L’ensemble de ses photographies comportent très peu de renseignement écrit. Même les quelques photos cartes postales qui ont servi de correspondance ne disent pas grand -chose, ni sur l’identité de la personne, ni sur le conflit. Il y a une information commune, c’est le besoin de rassurer sur l’état de santé, la photographie servant de preuve. Une anecdote raconte l’importance de se faire photographier, l’un des soldats dit avoir fait dix-huit kilomètres aller-retour à pied pour tenir sa promesse de faire parvenir une photo…
Parmi les documents, il y avait un livre de chansons de soldats, un bréviaire pour temps de guerre et de nombreuses feuilles de papier qui ont été utilisés par ma grande tante pour noter soit des paroles de chansons, soit des prières. À la lecture, ces documents laissaient apparaître un regard sur l’Armée et sur l’Eglise tout à fait étonnant. Il est certain que cette sélection n’a rien de scientifique, mais ils représentent certainement une tendance importante dans la société française. Richard et Lucienne n’étaient pas de dangereux gauchistes, loin de là. L’église et l’armée leur offraient un cadre de vie bien carré.
Pour l’église, j’ai retrouvé un opuscule,
Cantiques pour le temps de guerre de Jean Vézère. L’éditeur signale qu’il a été édité à la demande des aumôniers militaires, ces textes ayant été édités depuis le début de la guerre sur des feuilles. Plus de deux millions d’exemplaires ont été imprimés. C’est dire que le contenu était en accord avec les lecteurs. Il faut dire que ça commence fort, dans le premier cantique, A Notre-Dame de Lourdes, on peut lire ceci :

Un peuple en démence
Osa te braver,
O reine de France
Accours nous sauver !
Ave, ave, ave, Maria !…..
Jeanne d’Arc est incontournable… ;
Prends de nouveau ta place,
Au front des régiments,
Et va bouter, hors de l’Alsace
Jusqu’au dernier des Allemands
.

Suivent sainte Odile, patronne de l’alsace, sainte Geneviève et Paris, Les blessés, les enfants, etc.… l’auteur n’hésite pas à invoquer Duguesclin tout en finesse :

Jamais il n’aura de déclin
L’élan guerrier de notre race,
Nos fiers soldats, par leur audace,
Sont bien les fils de Duguesclin…


On retrouve cette même finesse d’analyse dans « prière pour la victoire »:

Assez longtemps sur nos chemins
Les Germains
Inhumains
Ont régné par la barbarie,
Qu’ils soient chassés demain….


CE sont les mêmes images, les mêmes symboles, les mêmes personnages dans le livre e Paul Déroulède,
Chants du soldat, paru dans les années 1880, aux éditions Arthème Fayard & compagnie, éditeurs. Tout le livre tourne autour de la défaite de 1870 face à la Prusse, de son côté inacceptable et surtout prépare la revanche. L’analyse ne fait pas dans la dentelle, Les Prussiens sont des brutes sanguinaires et les Français sont tous de preux chevaliers avec comme modèle Jeanne d’Arc, ou le peuple Franc. Tout y passe même la Marseillaise qui devient plus que suspecte :

Ah ne la chantons plus, par pitié pour nous-mêmes ;
Le jour venu, marchons sans cris t sans blasphèmes,
Comme de fiers Vaincus, qui, sûrs de leurs efforts,
N’ont qu’un but : la revanche, ou qu’un recours la mort…
Rappelez-vous français, qu’en ce jour de malheurs,
Tandis que les vaincus se rendaient aux vainqueurs,
Tandis qu’ils emportaient dans leurs âmes meurtries
Le spectre mutilé de la pauvre Patrie,
Qu’ils pleuraient la défaite et quittaient les combats,
Enfin qu’ils s’avançaient, sans armes, nos soldats,
Ô coup que rien n’efface ! ô mal que rien n’apaise !
Le clairon prussien sonnait la Marseillaise !


Ce qui se dégage de ces textes, c’est l’absence totale de regard sur les causes de la défaite, un esprit revanchard qui ne fait pas dans demi-mesure, une volonté farouche de reconquérir l’Alsace et la Lorraine sans oublier un penchant certain au masochisme, proche des images sulpiciennes.

Ces textes plus les chansons et prières recueillies par ma grand-tante décrivent un univers où l’esprit critique n’est pas la première vertu ! pour présenter les photographies, je les ai donc trié par thèmes, la famille, les amis, en trois séries, les portraits, les photos en pied, les photos de groupes. Pour chacune de ces pages, j’ai illustré les photos avec des extraits de textes. La page « les amis, les portraits « est accompagné par des extraits de textes du Chant des soldats
La page «,’ les familles »comporte des extraits de prières. Pour la page les « amis 2 », j’ai choisi des extraits de chansons recueillies par Lucienne sur de nombreux petits cahiers. Enfin pour les « amis photos de groupes »,  j’ai choisi des extraits d’un poème satirique de C.A. Carpentier « Aux embusqués » (dit pour la première fois par Jacques de Feraudy, brancardier, à l’Armée de l’Est, devant le Général H. et son Etat-Major- Février 1915-).

On peut penser que ces textes anesthésient ont eu une influence forte sur la société française et en particulier sur les soldats qui dés Août 1914 sont passés du rêve à la brutale réalité.
C’est l’occasion de rappeler le courage exemplaire des soldats et ce malgré des généraux et un état-major calamiteux.


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Ayons une pensée pour Albert et Lucienne qui vécurent des moments de bonheur dans une société étouffée par l'armée et la religion...bien loin des "années folles" qu'ils n'imaginèrent même pas!