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Souvent la mise en place des expositions ou des projets photographiques se fait de façon instinctive.On voit la construction, les enjeux et progressivement les choses se mettent en place. La difficulté apparaît lorsqu'il s'agit de traduire avec des mots ce que l'on a mis en images. Pour "Dead Flowers" après diffèrents brouillons, il m'a semblé important de passer le relais à Thierry Bonté, écrivain, qui je le savais, traduirait au mieux cette série de photographies.


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Cette exposition m’a cueilli au détour d’une rencontre. Celle d’une photo prise il y a longtemps, restée lettre morte puis redécouverte sur une planche contact, une fleur fanée et de la chanson des Rolling Stones « Dead flowers », sur l’album Sticky fingers . L’humour mélancolique de la phrase « send me dead flowers every morning » a fait le reste. Cette ritournelle m’a amené à mieux regarder autour de moi et, tout particulièrement les fleurs. On les croise sans vraiment les voir.Bien sûr il y a les fleurs d’amour, celles que l’on offre et que l’on reçoit. On s’éblouit, on est séduit, on les oublie, elles pourrissent, on les jette. Finalement l’amour fait toujours un peu mal.

L’exposition, ça commence là. Après le faste et l’apogée de ces beautés fragiles. Elles dépérissent, on les regarde alors d’un œil négligent. Elles nous sont devenues extérieures, au mieux, elles nous indifférent, au pire elles nous encombrent alors qu’il faudrait les choyer davantage. Les fleurs qui pâlissent et s’affaissent le font sans ostentation. Elles se décomposent doucement et n’emmerdent personne. Elles sont le calque éphémère de nos souvenirs de nos mensonges. On devrait les bénir de disparaître sans crier gare, de perdre la tête un dimanche, sans qu’on les ait vues se détruire pendant la semaine. Leur abandon dessine le décor subliminal du temps qui passe. Pour suivre cette métamorphose, il faut se pencher sur leurs petits destins, être attentif à leur affaissements, surveiller les variations de couleurs et la transparences des pétales.
Diablement humaines, les fleurs ! l’éclat des premiers jours est évident, l’insolence de leur lumière nous aveugle, tandis que la beauté en train de mourir nous laisse de marbre. Imbéciles que nous sommes. Nos corps sont des fleurs qui suivent le même chemin. La jeunesse qu’on prolonge ? un stratagème qui fait long feu. A contre-courant du discours publicitaire, aimons les subtils effondrements de la chair, les bleuissements des peaux qui ont déposé les armes, les rides qui nous viennent de l’âme pour tracer tous nos plis ! Aimons les vaincus par nature que nous sommes ! Arrosons les fleurs sans nostalgie, aimons les jusqu’au bout. Elles sont notre miroir, le symbole de ce que le temps écrit sur nous à l’encre sympathique et que l’on s’obstine à ne pas vouloir regarder en face. Le silence des fleurs qui se retirent sur la pointe d’un pétale, je me suis dit que cela méritait bien quelques photos d’automne….Thierry Bonté.


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